Lucie Poulet
« J’ai toujours aimé l’astronomie mon rêve serait de devenir astronaute… » ainsi commence l’interview de Lucie Poulet ! Une jeune femme brune, mince et qui sait ce qu’elle veut. Quoi de plus normal alors qu’elle prépare une thèse en sciences de la vie en microgravité co-financée par le CNES ?
Modeste, elle explique qu’en 4ème on lui avait affirmé qu’elle n’était pas assez brillante pour devenir astrophysicienne. Tant pis, elle s’oriente vers un diplôme d’ingénieur généraliste, ce sera l’Ecole des Mines de Nancy.
Un premier stage à l’ESA l’amène aux Pays-Bas où elle se penche sur les questions de bilan énergétique de la boucle MELISSA (voir encadré) : l’idée est d’examiner la possibilité de récupérer le dioxyde de carbone fourni par les plantes et les micro-organismes pour subvenir aux besoins en air d’un équipage spatial. Déjà la notion d’économie circulaire fait partie de ses préoccupations.
Encore plus mordue d’espace, Lucie part 2,5 ans aux Etats-Unis pour passer un master en génie aérospatial et travailler sur un système d’éclairage intelligent pour les plantes. Un premier pas vers la recherche, la recherche spatiale évidemment.
Après un court séjour à l’ISU (International Space University) à Strasbour, elle rejoint l’Agence spatiale allemande (DLR) pour 2 ans. Elle aura l’opportunité de vivre sa première expérience de confinement avec la Mars Society. Au sein d’une équipe de 6 personnes (3 hommes et 3 femmes), de 4 nationalités différentes, elle part 2 semaines dans l’Utah. L’équipe est chargée d’étudier le système de fiabilité d’un analogue de base martienne, Lucie veille sur les serres pour qu’elles fonctionnent sans défaillance et pour éventuellement les améliorer.
Un tweet la propulse à Hawaï
Toujours employée au DLR, elle voit passer un tweet qui propose une autre expérience de confinement, elle s’empresse d’envoyer son cv, sa lettre de motivation et un projet de recherche crédible. Elle sera retenue avec 6 autres personnes pour une mission de 5 mois à Hawai. Direction un volcan, situé à 1 H 30 en voiture de la première ville. Cette fois, il ne s’agit plus seulement de cultiver des serres mais de vivre à l’heure martienne : 40 mn pour échanger 2 emails, 4 semaines de ressources en eau et en énergie, hors de question de sortir sans une lourde combinaison spatiale de 25 à 30 kg.
Le travail de Lucie : étudier l’influence des longueurs d’ondes de la lumière sur la croissance des plantes mais aussi étudier les réactions de ses collègues confrontés à la nécessité de cultiver salades et tomates-cerises s’ils veulent améliorer leur ordinaire. Elle profitera de cette expérience pour partager sa passion avec différentes écoles à travers des vidéos. Lucie, déjà adepte du recyclage, tire de cette expérience un intérêt encore plus fort pour la sauvegarde de l’environnement.

Laitues et radis poussant sous différentes longueurs d'ondeà HI-SEAS.
Credits: Lucie Poulet
Après son expérience hawaïenne, elle rentre en France, s’inscrit en doctorat et obtient un co-financement du CNES et du CNRS pour travailler à nouveau sur le projet de MELISSA de l’ESA. Au sein de l’Institut Pascal à Clermont, Lucie s’intéresse maintenant à la « définition de modèles physiques pour prédire la croissance de plantes supérieures en environnement de gravité réduite pour une application en système support-vie ». Autrement dit, elle étudie la croissance des plantes en gravité réduite en vue d’une mission spatiale.
Elle aura l’occasion de participer à une 3ème expérience de confinement toujours grâce à la Mars Society, à nouveau dans l’Utah. L’objectif cette fois pour elle, est de réagir en situation d’urgence dans un environnement martien : cerner le problème, identifier la cause, trouver la solution ou évacuer. Une situation plutôt stressante !
3 mn pour convaincre !
Battante, elle participe au concours « Ma thèse en 180 secondes » où des doctorants sont mis au défi de présenter leur sujet de recherche en 3 minutes à un auditoire profane en s’appuyant sur une seule diapositive. Lucie est sélectionnée pour la demi-finale nationale. Mais si elle ne gagne pas en demi-finale, elle n’a pas tout perdu, elle est repérée par les organisateurs du TEDx Clermont qui lui confient l’antenne pour 15 minutes. Elle y montre que les recherches qu’elle mène sur le spatial peuvent inspirer les habitants de la Terre : la consommation raisonnée de l’eau, la nourriture locale, le recyclage des déchets. Des principes qu’elle applique à titre personnel et qu’elle n’hésite pas à mettre également en avant dans la rubrique qu’elle anime sur Space News, la radio du campus de Clermont.
Peut-être que Lucie sera sélectionnée un jour comme astronaute (on le lui souhaite), en attendant, elle travaille d’arrache-pied pour préparer l’écosystème durable dans lequel les astronautes du futur pourront survivre : renouvellement de l’air, recyclage de l’eau, production de nourriture et traitement des déchets. Et si nous nous en inspirions ?

Lucie Poulet en astronaute
crédit : Ross Lockwood

HI-SEAS
HI-SEAS (Hawaii Space Exploration Analog and Simulation) est un programme de missions scientifiques de l’Université d'Hawaï qui consiste à simuler la vie dans un habitat martien.Ces missions se déroulent dans un dôme isolé sur les pentes du volcan Mauna Loa, sur l'île d'Hawaii. La zone présente des caractéristiques évoquant celles de Mars, à une altitude d'environ 2 500 m.
Ce programme est financé par le Human Research Program de la NASA. Il a pour objectif principal de déterminer ce qui est nécessaire pour maintenir un équipage performant et en bonne santé pendant une mission vers et sur Mars.
Les données obtenues serviront à la sélection des équipages pour des missions longue durée. Les recherches se focalisent par exemple sur l'alimentation, les dynamiques sociales, les comportements, les rôles et les capacités intellectuelles dans des conditions similaires à celles d'une mission sur Mars.
La plupart des équipiers mènent par ailleurs leurs propres projets de recherches.

Vue de l'intérieur du Biomass Production System.
Credits: Lucie Poulet

Lucie Poulet en combinaison d'astronaute.
crédits : Annie Caraccio
MELISSA
Guillemette Gauquelin-Koch, responsable de la thématique Sciences de la Vie en Microgravité au CNES explique MELISSA : "Le projet MELiSSA (Micro-Ecological Life Support System Alternative) est un projet de l’ESA, il étudie les systèmes autonomes pour l'alimentation humaine lors des missions spatiales à long-terme, pour une utilisation comme système de support de vie."
En moyenne un humain consomme quotidiennement 1 kg de nourriture, 1 kg d'oxygène et 3 kg d'eau (sans compter les eaux pour l'hygiène) pour sa survie.
Toute mission spatiale à long-terme doit donc embarquer des tonnes de consommables, ce qui est incompatible avec la logistique actuelle, d'où l'idée des systèmes autonomes pour produire et recycler tous ces consommables. MELiSSA recycle l’eau, récupère le dioxyde de carbone et les déchets de l'équipage, et forme à partir de cela de l'air respirable et de la nourriture. Ceci est possible grâce à un ensemble de bactéries, de plantes et de microalgues (spiruline).